Beaucoup ignorent qu’en Afrique du Nord les rigueurs de l’hiver peuvent être rudes. C’est vrai, de moins en moins avec le réchauffement climatique ! Il en restera néanmoins quelque chose dans les siècles à venir avec ce vêtement si spécifique et identificatoire de la vie berbère : le burnous. Camille Lacoste -Dujardin nous remet en mémoire son existence, son sens dans la vie sociale et ce qu’il exprime des rapports femmes – hommes dans la société villageoise kabyle.

« A yemma-s, heggi-yas abernus ! O Mère, prépare lui son burnous ! ». Formule traditionnelle et éponyme de l’émancipation du jeune homme kabyle, quand il s’apprête à quitter le foyer pour vivre sa vie… Le burnous est aussi le symbole de la mise en responsabilité.


Autrefois il était apporté un soin presque sacré à la confection du burnous qui prolonge la protection du foyer sur les hommes qui le portent dans leurs déplacements.

Les burnous en Kabylie sont presque toujours blancs. Mais il en aussi de bruns et d’autres rayés de gris. Tout Kabyle a son burnous. Pèlerine de berger, cette grande cape à capuchon qui enveloppe le corps de la tête aux pieds, préserve du froid, de la pluie et de la neige. Le burnous d’été est certes léger, mais celui d’hiver est plus épais et il sert aussi de couverture ou de sac de couchage.

Autrefois on imperméabilisait le burnous d’hiver en le laissant tremper dans de l’huile d’olive un mois durant, jusqu’à ce qu’il se tienne raide, avant d’être lavé et séché.

Il y a cinq façons différentes de porter le burnous. La première, il est tout entier ramassé et jeté sur une épaule, c’est la tenue correcte de sortie.

Mais on peut aussi laisser le capuchon par derrière et disposer les pans sur les deux épaules, en plaçant le plastron derrière le cou.

Une troisième façon de le porter est de l’enfiler par l’encolure, avec le plastron devant soi, on dit alors « yelsa abernus », il a mis le burnous.

On peut encore en disposer le capuchon de côté, de façon à en faire une sorte de poche. Enfin dans les frimas, on s’en enveloppe complètement en s’entourant des pans relevés et noués derrière le cou, qui enserrent le capuchon, de sorte que bien serré autour du corps, il ne laisse aucune prise au froid, au vent, à la pluie ou à la neige.

Le capuchon (aqelmun) du burnous joue toujours un rôle important. Il sert de poche de sac, où cacher ses provisions de route ou maints menus objets et bien malin qui serait assez habile pour les y voler, au point que, dans un conte : » un apprenti voleur fait la preuve de son habileté – et de son aptitude à devenir voleur  en dérobant des œufs de perdrix placés dans le capuchon du burnous de son maître ».

Enfin, le port du burnous est lié à l’honneur masculin : tout homme s’en revêt avec fierté, mais il en rabat le capuchon sur le visage en signe d’humilité ou de honte.

Autrefois, l’émigré rentré l’arborait pour signifier aux yeux de tous qu’il reprenait sa place parmi les hommes du village ; et pourquoi, dès l’annonce de son retour, sa femme se hâtait de lui en confectionner un neuf, afin d’assurer sa pleine réintégration dans la communauté.

Extrait du livre « le voyage d’Idir et de Djya » en Kabylie » de Camille Lacoste Dujardin (édition l’Harmattan 2003).

Heggi-yas abernus / Djamel Chir

A yemma-s heggi-yas abernus
I mmi-m ad yeqqen lḥenni
Leḥbab-is ḥeḍren mačči drus
Wa iceṭṭeḥ wa yettɣenni

Ferḥen yeḥbiben imawlan
Cebbḥen warrac tiḥdayin
Ad d-nejbed leεwayed yellan
Ad s-ngerrez rreḥba i uzyin

A yemma-s heggi-yas abernus
I mmi-m ad yeqqen lḥenni
Leḥbab-is ḥeḍren mačči drus
Wa iceṭṭeḥ wa yettɣenni

A nefreḥ yidwen a nɣenni
A neqḍeε i weεdaw tismin
S ṭṭbel ad ṣṣiḥ wegni
A nesseqwu dderz tiɣratin

A yemma-s heggi-yas abernus
I mmi-m ad yeqqen lḥenni
Leḥbab-is ḥeḍren mačči drus
Wa iceṭṭeḥ wa yettɣenni

S lferḥ ad yiẓid wass-nni
Mi twalaḍ mmi-m icebbaḥ
Imi d-yers ad yeqqen lḥenni
A twaliḍ tagmat tefreḥ

A yemma-s heggi-yas abernus
I mmi-m ad yeqqen lḥenni
Leḥbab-is ḥeḍren mačči drus
Wa iceṭṭeḥ wa yettɣenni
Afrag yeččur s lɣaci