Cette lecture proposée par un adhérent est celle d’un texte du très grand Si Mohand ou Mhand (présumé né entre 1840 et18 45 – décédé le 28/12/1905).
Deuxième parti du XIXᵉ siècle, il décrit dans son œuvre une société kabyle bouleversée et dépossédée par le colonialisme. Ses textes sont courts, incisifs et accompagnent sa vie d’errance et de poète du peuple. Peu de poètes auront avec leur œuvre et leur vie, autant que lui fait corps avec leur peuple et sa langue.
Découvrez ou redécouvrez ce génie classique du verbe kabyle dans l’ouvrage que Mouloud Mammeri lui a consacré (Les isefra, poèmes de Si Mohand Ou Mhand / paru en 1969).
Taluft n Tayri L’épreuve d’amour
Lemnam agi d bu-tlufa Décevants sont les rêves
Urgaɣ Yamina J’ai crû voir Yamina
Attaya m-udem imserri S’avancer le visage plein de grâce
Lebsa-ines d lfuda Elle portait la fouta (foulard kabyle)
Agus d sfifa Ceinture de fil de laine
Taksumt-is d afilali Son teint avait l’éclat du filali (cuir rouge scintillant)
Ukwiɣ-d ur ufiɣ ara Je m’éveillais et rien
Wwteɣ di tsumta Je m’en pris à l’oreiller
Fkiɣ-tt lwaɛd imeṭṭi. Et fondis en larmes.
Déraciné et seul, Si Mohand devient un poète errant. Il emprunte à son expérience les thèmes de l’exil, de l’amour de sa terre natale, de l’amour et du destin. Le poète aurait par ailleurs juré de ne jamais répéter deux fois le même poème, de sorte que seule la mémoire populaire a permis de conserver son œuvre.
Les Isefra (le mot signifie les « poèmes » en berbère, au singulier Asefru), ont été publiés sous forme de recueils à plusieurs reprises, notamment par Amar n Said Boulifa en 1904, Mouloud Feraoun en 1960, Mouloud Mammeri en 1969 (et Larab Mohand Ouramdane au Maroc en 1997). D’autres poèmes de Si Mohand ont été recueillis et publiés à compte d’auteur à Alger en 2000 par Younes Adli.
Un siècle après sa mort, une stèle est érigée à la mémoire du poète errant à Akbou (vallée de la soummam).
https://fr.wikipedia.org/wiki/Si_Mohand_Ou_Mhand
https://kab.wikipedia.org/wiki/Si_Muḥend_u_Mḥend
credit photo : @berberewoman